Le chef Julien Leroy nous séduit par son énergie…

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Gout et Passions

Le concert Constellations par l’ONDIF et Julien LEROY

Un doux et talentueux concert – Pour célébrer la Saint-Valentin comme il se doit, rien de tel qu’un beau concert symphonique et romantique. C’est ainsi que nous nous rendons en ce 14 février sur l’invitation de l’Orchestre National d’Ile de France dans la belle Salle Gaveau du nom éponyme de l’ancien fabricant français de piano. Nous aimons cette salle pour son caractère intimiste, tel un cocon paré de bois ciselé couleur taupe à l’acoustique remarquable. Nous sommes salués par l’orgue Mutin-Cavaillé qui orne la scène, éclairé de tous les feux. Les 1020 places de la salle sont particulièrement remplies ce soir-là, ce qui fait que la presse aura du mal à s’y loger…placés en dernier rang de salle, nous sommes toutefois dans l’une de ces loges-cabines privatives et surélevées qui nous donnent une vue sur toute la scène. La cause de cette affluence est la présence ce soir du prodige français de la guitare, le bordelais Thibault Cauvin qui se produit ici dans l’une de ses rares dates parisiennes au cours d’une tournée mondiale débutée il y a plus de 19 ans.

Car le petit prince de la guitare est un phénomène artistique et médiatique. Après 9 albums, 1000 concerts dans 120 pays, 36 prix internationaux obtenus avant l’âge de 20 ans (il reste inégalé), le maestro va nous charmer de ses airs fins et subtils. Le jeune homme a commencé la guitare à l’âge de 5 ans, a suivi les cours du CRR de Bordeaux et ceux du CNSRDP, sorti avec les honneurs. Nous voilà excités d’assister à notre premier concert de guitare classique, une expérience inédite pour nous.

D’autant que la jeunesse talentueuse est au rendez-vous, avec le tandem Cauvin-Leroy. Julien Leroy est l’un des jeunes chefs d’orchestre qui montent, il dirigera la formation musique de chambre de l’ONDIF, les 95 musiciens de la formation ne sont pas présents mais nous sommes en présence de sa version rapprochée. Julien Leroy, violoniste de formation, développe un palmarès distinctif et précoce: Talent Adami 2014 (chef d’orchestre), chef assistant de l’Ensemble Intercontemporain, chef invité de l’United Instruments of Lucilin de Luxembourg, il collabore avec l’ONDIF et avec l’Orchestre National de Lorraine entre autres. Distingué par Pierre Boulez, il assiste Daniel Harding et a travaillé avec Sir Simon Rattle. Autant dire que de sincères et forts talents sont annoncés ce soir.

Le concert s‘engage avec la Brook Green Suite de Gustav Holsst (1933), faisant appel aux arts populaires anglais avec des accents wagnériens. Ce morceau de 8 minutes enchanteresses évoquent le quartier londonien où son auteur enseignait. On y trouve une sensibilité légère, printanière et aérienne dans ses deux premiers mouvements. Le troisième mouvement est plus dynamique. Le chef Julien Leroy nous séduit par son énergie, il fait même des révérences à son orchestre tant il s’implique dans son action, c’est un spectacle admirable qui se déroule devant nous. Cette œuvre influencera Britten, autre compositeur britannique qui est au programme de ce soir.

Vient la Pastorale d’Eté (1920) d’Arthur Honeger, qui fût créé le 17 février 1921 à Gaveau même avec l’Orchestre Philharmonique de Saint-Louis, il est joué ici presque jour pour jour 98 ans après ce soir. Une composition romantique, légère et poétique qui laisse libre cours à l’expression personnelle des musiciens. Nous remarquons le super-soliste vénézuélien Alexis Cardenas très remarqué dans le précédent concert Hiver Russe que nous avons couvert en ces pages. Cette troisième œuvre d’importance du compositeur franco-suisse né au Havre, trois ans avant Pacific 231 (1923) qui le fera connaître s’inspire de son voyage dans les Alpes suisses. Une fresque onirique et féerique réussie dont il dédicacera les Illuminations de Rimbaud sur sa partition originale.

Après ce voyage romantique fort à propos en ce 14 février, voici la Sinfonietta (1932) de Benjamin Britten, résolument énergique, symphonique, atypique avec ce jeu de cordes pincées, ces suspens, ce duo de violons qui semble improvisé tant il est rythmé, un style moderne qui marque le renouveau de la musique classique britannique. Cet Opus I composé à 18 ans révèle la vigueur du jeune compositeur anglais. C’est assurément le moment le plus intense du concert, une œuvre symphonique puissante, puis lente, achevée par une tarentelle en finale, signature de l’artiste. On se sent emportés par l’enthousiasme des musiciens de l’ONDIF, quelle vitalité!

L’entracte nous permet de reprendre nos esprits, pour laisser place aux Old Hungarian Ballroom Dances (mai 1949) de Gyorgi Ligeti, 10 minutes d’éloquence, magnificence et sensibilité. Le 2ème mouvement sera plus espiègle et jour franc-jeu, dans une œuvre écrite sous la contrainte de la dictature soviétique. Un joli moment d’émotion et d’intensité délivré par cet orchestre talentueux, placé sous la direction du brillant Julien Leroy qui réveille la scène de son jeu de direction virtuose.

Puis vient le moment tant attendu, avec l’entrée en scène du guitariste surdoué Thibault Cauvin, habillé d’une chemise colorée en rupture avec les autres artistes. Car Thibault est comme cela, expressif, simple et direct, tout comme son jeu extraordinaire sur sa simple et belle guitare du luthier français Jean-Luc Joie. Cauvin et l’ONDIF nous interprètent la Fantasia pour gentilhomme (1954) de Joaquim Rodrigo, cet illustre compositeur espagnol, aveugle à 3 ans, qui suite à la rencontre avec le guitariste d’exception Andres Segovia, compose cette œuvre de 23 minutes, magistrale. Douceur et délicatesse s’emparent de la salle à cet instant, dès les premières notes de Thibault Cauvin.

Voici un moment rare en classique, où le soliste prend toute la salle à coeur. De la virtuosité, du genre, un doigté inégalé sur ces cordes souples et subtiles, la réputation de Thibault qui le précède se confirme à nos yeux et à nos oreilles. Les harmonies sont fraîches et élégantes, poétiques, un solo sera même le terrain d’expression des atours de l’artiste. S’en suit un deuxième mouvement, plus dynamique, qui s’achève sous une ovation du public, saluant le duo Cauvin et Leroy, tels deux jeunes prodiges de la nouvelle scène musicale classique française. Qu’il est beau de voir que les nouvelles générations s’emparent de cette musique pour la rendre contemporaine et actuelle.

La foule demande un rappel, le jeune Cauvin remonte sur scène, ré-accorde sa guitare puis se lance, exécutant un Rocktypicovin, une œuvre pour guitare composé par son père le musicien Philippe Cauvin, lequel est dans la salle ce soir-là; ce titre constitue le cadeau d’anniversaire de ses 13 ans (déjà avancé!), une sensibilité très espagnole, l’artiste est décidément très doué, il frappe ses cordes et même sa guitare, bam nous reçevons une masterclass de guitare classique en direct. Puis en second rappel vient Un dia de Noviembre, composé par Leo Brouwer, une ode plus romantique et poétique qui charme toute l’assistance, laquelle applaudit et lance des bravos. Un final en apothéose de délicatesse.

La mannequin française, pianiste et auteur Marie Wagener-Selepec qui nous accompagne ce soir là et célébrant sa première à la Salle Gaveau, nous confie son impression de ce concert: «C’était waouw, c’était beau, et plus que parfait pour un soir de Saint Valentin! Jamais déçue par cet orchestre que l’on a vu récemment à la Philharmonie. En bouquet final, un solo de Thibault Cauvin dit le « petit prince » de la guitare, il mérite bien ce surnom séduisant! Ce virtuose est sympathique, souriant, chaleureux, on le sent passionné et c’est communicatif. Après avoir brillamment accompagné l’orchestre, il nous à parlé de son père musicien comme lui, avec une grande émotion puis nous a joué un morceau magnifique qu’il lui jouait probablement le soir avec amour lorsqu’il était enfant. Un moment d’une grande sensibilité sur un air tout à fait original, hors du commun, à son image. Merci pour ce grand moment. »

A la signature-dédicace de son dernier album Cities II en sortie du concert, rendez-vous est pris avec le jeune maître de la guitare pour son concert solo donné le 19 février à l’Espace Pierre Cardin-Théâtre de la Ville. Un showcase personnel qui s’annonce fort en émotions, avec en featuring deux personnalités invitées sur l’album, le conteur malien Ballaké Sissoko et son kora magique ainsi que la jeune mezzo-soprano franco-italienne qui monte, Léa Desandre, que nous avions déjà remarquée en ces pages à l’Opéra Comique dans son rôle solo pour Et in Arcadia Ego.

Les prochains rendez-vous de l’ONDIF, ce bel orchestre français créé en 1974 que nous avons plaisir à suivre cette saison, sont donnés pour le 15 mars à la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris pour le concert intitulé La Cinquième (Bach, Mahler) et le 22 mars en ce même lieu pour le concert Liberté! (Chopin, Chostakovitch). Nos remerciements s’adressent à Ludmilla Sztabowicz de l’Orchestre National d’Ile de France.

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Photographies: G&P et Yann Orhan. Salle Gaveau, une salle parisienne agréable et intimiste établie depuis le 3 octobre 1907 au 45 rue la Boétie 75008 Paris – www.orchestre-ile.com – Février 2019

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