Une rare énergie à la tête de l’EIC

Categorie: Presse
ResMusica - Michèle Tosi

L’ a passé commande aux trois jeunes vidéastes néerlandais () pour accompagner en contrepoint le Concerto  « Séraphin » du compositeur allemand . C’est à une expérience de « sculpture » live que les spectateurs de la Philharmonie II sont conviés ce soir, avec la réalisation audiovisuelle de No More Masterpieces, une œuvre en 3D sans le recours des lunettes spéciales !

No More Masterpieces est un titre emprunté à Antonin Artaud (« En finir avec cette idée de chef d’œuvre ») dont le travail et le personnage même hantent Wolfgang Rihm depuis les années 1980. On compte rien moins qu’une trentaine de pièces de ce compositeur très prolifique – quelques 400 œuvres à son catalogue ! – élaborées autour du Théâtre de Séraphin, le deuxième volet du Théâtre et son double. C’est la sixième version du Concerto « Séraphin », pour vingt instruments souvent solistes, que l’on entend ce soir, le compositeur remettant inlassablement sur le métier ses partitions qu’il ne considère jamais comme achevées.

Mais c’est davantage l’idée de sculpter le son et l’espace qui réunit l’œuvre du compositeur et la réalisation des vidéastes dans No More Masterpieces. Wolfgang Rihm entend travailler la matière sonore comme un sculpteur qui taille à même le roc, dans un geste inlassable qui modèle une surface et la transforme à mesure. L’œuvre fleuve – 45 minutes d’une musique puissante et hyperactive – charrie une matière très colorée, n’accordant que peu de répit à un ensemble inlassablement sollicité dans des parties solistes aux sonorités tranchantes : sonorités de la cruauté – celles des cordes percussives et très agressives -, libérant une frénésie et une rage exprimées avec une rare énergie, celle de à la tête des solistes de l’EIC superbement engagés.

C’est un vrai défi pour les trois vidéastes de 33 ⅓ Collective qui s’aventurent dans cette expérience audiovisuelle sur la musique très foisonnante de Rihm. Le groupe, fondé en 2008 et basé aux Pays-Bas, travaille à la fois l’image et son support, qui n’est pas toujours l’écran conventionnel, imaginant autant de « structures vidéales » en 3D. L’écran d’une matière spéciale qui est porté sur le devant de la scène de la Philharmonie est relié à l’arrière par un savant mécanisme permettant de moduler sa surface et sa configuration. Et nous voilà une fois encore déchiré entre l’attrait des images, belles au demeurant, qui captent toute l’attention, et le désir de nous laisser emporter par le flux sonore dont l’écoute exigeante inciterait plutôt à fermer les yeux ! Si le défilement de la vidéo pose toujours le problème de son adéquation au mouvement propre de la musique – la question ce soir reste entière – la superbe sculpture-oiseau traversée de lumière, obtenue par le pliage de l’écran dans la dernière partie de ce « théâtre musico-vidéal » est d’une indéniable réussite.

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